La galette à 1000 trous ! (le retour)

galettes de bé noir levées

galettes de bé noir levées

Il y a déjà quelques années, alors que j’écrivais mon livre sur la cuisine bretonne, j’avais contacté Hervé This, le célèbre inventeur de la « cuisine moléculaire » pour avoir ses lumières concernant la galette de blé noir, la fameuse spécialité bretonne que tout le monde déguste dans les crêperies avec une bolée de cidre. En effet, la vraie galette de blé noir n’est composée que de farine de blé noir, d’eau et de sel. Rien de sorcier donc, mais, détail important, il est indispensable de bien mélanger la pâte et de la laisser reposer au moins une nuit avant de préparer les galettes.

Au final, il apparaît que les galettes qui sont préparées après un temps de repos ont un goût différent de celles qui sont préparées aussitôt (et elles sont bien meilleures). De plus la pâte n’a pas la même consistance. Une amie employée dans une crêperie pourtant renommée de Nantes m’avait raconté qu’ils ajoutaient de l’oeuf et du caramel à la pâte pour qu’elle ait plus de tenue et de goût, ce qui leur permettait d’éviter de la faire reposer.

J’avais donc à l’époque supposé qu’il se produisait une fermentation spontanée qui modifiait le goût et les propriétés de la pâte, mais personne ne put me renseigner. Je laissai donc ce problème dans un coin de ma mémoire. C’est plus récemment, en m’intéressant de près à la lacto-fermentation (rien à voir avec le lait !) qui est omniprésente dans la cuisine, et qui intervient aussi bien dans la préparation des anchois que du saucisson sec en passant par les cornichons et la choucroute, que j’eus la conviction qu’il s’agissait d’une fermentation. En effet, ce phénomène est visible à l’oeil nu, car il dégage des bulles. Tout liquide qui fermente fait des bulles, et on peut le voir aussi bien dans les concombres à l’aneth que dans le cidre, la bière, et… les galettes.

Je me souviens en effet des excellentes galettes de blé noir de mon enfance, quand j’allais en vacances à Massérac ou à Beslé-sur Vilaine, ces immenses galettes qui n’étaient jamais aussi bonnes qu’avec une saucisse, le vrai hot-dog bas-breton. Ces galettes, outre leur goût délicieux, étaient reconnaissables entre 1000 par les trous dont elles étaient constellées. Impossible de les confondre avec les galettes frelatées de supermarché, ou les galettes faussaires de crêperies pour touristes. (Les Algériens ont d’ailleurs la « crêpe 1000 trous » ou beghrir, qui est également une galette fermentée, mais réalisée à base de froment. J’en reparlerai un de ces jours.) Bref, c’est en me souvenant des trous de la galette bretonne que j’eus l’idée de faire une démonstration à l’envers : j’étais incapable de prouver que les galettes étaient fermentées, mais si toutefois j’arrivais à reproduire exactement le même résultat graphique et gustatif que ces galettes en ajoutant des ferments, il y aurait de fortes présomptions pour que ce soit bien lié à ce phénomène.

J’ajoutai donc du levain déshydraté à base de blé noir (que l’on trouve facilement en boutique bio), et j’en ajoutai un demi-sachet à ma pâte, constituée basiquement de farine, d’eau et de sel. Après avoir longuement brassé au fouet pour bien disperser le levain, je laissai le tout à température pendant 3 heures, sous un linge propre. En enlevant le tissu, je vis le saladier ci-dessous, en pleine ébullition !

 

Pâte à galettes, les trous montrent l'activité de fermentation !
Pâte à galettes, les trous montrent l’activité de fermentation !

Pas besoin d’attendre 24h donc que la fermentation spontanée démarre, ma préparation semblait bien avoir reproduit le même résultat, mais en plus rapide !

je passai alors à la phase finale en réalisant les galettes : on voit bien les 1000 trous de la galette !

galettes de bé noir levées
galettes de blé noir levées

Ne restait plus alors qu’à goûter, et je retrouvai bien le goût délicieux et inimitable des galettes de mon enfance … CQFD  en attendant peut-être un jour  une confirmation scientifique si quelqu’un s’intéresse à ce phénomène !

En attendant, pour changer un peu des galettes saucisses, savez-vous que les galettes froides sont aussi très bonnes et qu’on peut s’en servir pour faire des choses très originales ? Voici 3 idées  à déguster pour les repas de l’été !

galette fourrée au curry de légumes et aux herbes
galette fourrée avec omelette, jambon,  curry de légumes et herbes

 

 

galette-545x1024
Galette au poulet, salade, tomate et mayo

 

rouleau de galette à l'omelette, jambon et salade
rouleau de galette à l’omelette, jambon et salade

 

J’ai réécrit et complété cet article qui avait disparu malencontreusement il y a déjà quelques années.

Donnez une note à cette recette !
[Total: 3 Average: 4.7]

12 thoughts on “La galette à 1000 trous ! (le retour)

  1. Je prépare ma pâte, sarrasin eau et sel et je laisse fermenter dans la cuisine 24 h
    Et là je fais des galettes très fines avec des bulles.

  2. les bulles viennent essentiellement de l’évaporation de l’eau qui laisse des trous, cette histoire de fermentation ne tient pas (la recette normale ne contenant pas de ferments. la cléf est d’utiliser beaucoup d’eau (au moins 2 tiers) et une plaque a plus de 220 degrés. c’est simplement un phénomène physique.

    a propos, le lait fermenté ne fait pas de bulles, je suis fromager.
    je fait mon fromage que je met dans mes galettes, eau, farine, sel, rien d’autre, et j’ai des bulles.

    1. Vous êtes fromager mais vous n’avez jamais vu de fromage avec des bulles produites par la fermentation ? Comme par exemple le Gruyère lol ? Le pain non plus vous n’avez jamais vu de bulles dedans ? C’est l’eau qui les fait sans doute ? Merci de vos précieuses théories mais je pense que je vais m’en passer.

  3. Ping : Pâte galettes sarrasin – Notes de cuisine de fredleroy
  4. bonjour
    En Algérie la galette mille trou ( baghrir , tighrifine en kabyle) se faisait avec de la semoule fine, eau sel , qu’on laisse reposer une nuit
    Avec la vulgarisation de la farine blanche ,après la seconde guerre mondiale, on la faisait avec la farine, synonyme de raffinement, mais
    la seule chose qui n’a changée c’est toujours avec eau sel et la proportion d’eau qui est presqu égale a celle de la farine.

    plus tard avec l’évènement de la levure en poudre …on a introduit la levure pour gagner du temps…maintenant on ajoute du lait, des œuf…. comme certain jure que la semoule sans poids chiche n’est pas un couscous…bien sur ils parle des graines de couscous qui’ils mettent à gonfler dans l’eau chaude et arroser avec une sauce faite à base de merguez et poids chiche :!! sacrilège!

    ah j’allai oublier les crêpes était un plat du pauvre… mais un délice des dieux qu’on prônait le matin très tôt ou au retour de l’école l’après midi …arrosé d’huile d’olive ou saupoudré de sucre (le beurre et le miel c’est pour les personnes aises ou pendant un évènement heureux)

    ps: je cherche le nom en français de majire (en kabyle)que j’ai oublie (la mauve) pour traduire un proverbe kabyle (quand la mauve poussera dans le sel= chose irréalisable) impossible) …je suis tombé sur ton site ! je l’ai mis dans mes favoris…
    merci pour le travail que tu fais

  5. Bonjour, j’aime beaucoup votre site et j’admire votre travail. C’est toujours un plaisir de lire tous les détails, on dirait que vous réfléchissez tout le temps et votre passion vous fait vibrer et nous donne le goût de continuer à vous suivre et à vous lire chaque semaine.
    Merci pour toutes ces recherches !
    Bonne fin de semaine et félicitations pour votre livre
    De Montréal

    1. @Le monolecte : c’est vrai, mais c’est inutile ! Autant faire la recette originale… J’ai fait cette expérience uniquement pour vérifier qu’il y avait bien une fermentation et du coup c’est plus rapide à faire. Mais si on n’a pas de contrainte on peut bien sûr faire la recette sans levain.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

2 × cinq =